(117) Les médias qu'on entend et ceux qu'on écoute

2 mai 2008 - Les médias font partie de notre univers quotidien. Nous sommes même devenus des spécialistes du zapping. La Journée Mondiale des Communications sociales que nous soulignons dimanche qui vient nous invite à porter un regard sur ceux et celles qui oeuvrent dans ce monde fascinant, à discerner ce qui se fait et à valoriser ce qui est porteur d’avenir pour notre société en devenir. Devant l’avalanche des chaînes de télévision qui ne cessent d’augmenter, on peut certes s’interroger sur la pertinence et la mission de certaines chaînes. Dans ce monde de la surconsommation, il ne faut pas se surprendre que les médias soient devenus l’outil privilégié du commerce. On parle d’ailleurs de radios commerciales!

En novembre 2000, Marie Plourde, journaliste au Journal de Montréal coiffait sa chronique quotidienne de ce titre pour le moins évocateur Ici radio malade. Elle faisait remarquer avec pertinence que le but de la radio actuelle n’est pas de faire la meilleure radio, mais d’être numéro un. Et elle renchérissait en disant: «La radio est séropositive et refuse de l’admettre. Elle est dirigée par des gestionnaires qui pensent qu’on doit plaire à tout le monde en même temps. Une affreuse maladie devenue chronique qui rend le paysage radiophonique tellement monotone telle une plaine de l’Ouest sans relief, peuplée de gros bisons insignifiants ne reconnaissant en rien le talent.» Qu’en est-il huit ans plus tard? Dans un récent article du journal Voir, Steeve Proulx écrivait: «Les radios commerciales entrent dans un processus de destruction créatrice. Elles devront se réinventer. Et plus tôt sera le mieux

On assiste depuis quelques années à un remue-ménage sans précédent dans ce secteur vital des médias. Qui n’a pas entendu parler de la convergence, de la vente de CKAC, de la disparition de la chaîne culturelle de Radio-Canada, des méandres de CHOI-FM, de l’avenir houleux de TQS, etc? Plusieurs talents de chez nous ne peuvent plus avoir accès à des diffuseurs parce qu’ils n’entrent plus dans le son, dans les standards du numéro un. À chaque audience publique l’ADISQ rappelle aux requérantes de licences et au CRTC l’importance de mettre en valeur les talents de chez nous, signe vital de la culture québécoise. Les radios commerciales, qui piquent du nez dans les sondages, demandent au CRTC de modifier les quotas de musique francophone afin de pouvoir rejoindre davantage les jeunes.

Fort heureusement que les médias alternatifs, communautaires ou spécialisés font plus facilement une place aux jeunes auteurs et créateurs, à la vie du vrai monde. Selon Martin Bougie de l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ), «En encourageant la participation de la population à leurs activités et en élaborant leurs programmations en fonction des besoins du milieu, on peut dire que les radios communautaires sont vraiment à l’écoute des gens. En retour, on a affaire à des auditeurs attentifs et passionnés.» «En ce qui concerne la publicité, cette réelle proximité se traduit par une plus grande efficacité.» précise M. Bougie.

L’énoncé classique adopté par l’UNESCO il y a cinquante ans selon lequel la radio a une triple fonction, soit l’information, l’éducation, le divertissement, devrait toujours guider les gestionnaires des stations dans leur réflexion sur le rôle de la radio dans la société québécoise. De plus, cet énoncé devrait amener les auditeurs québécois à faire un choix plus éclairé sur le type de radio à écouter et à valoriser. Certes, il y a des radios qu’on entend et il y a celles qu’on écoute vraiment. La radio a des exigences techniques qui ne peuvent pas être ignorées: la qualité professionnelle doit être au rendez-vous. Et parler à la radio, c’est bien, mais encore faut-il avoir quelque chose à dire et savoir à qui on veut s’adresser… Le vrai succès d’une radio repose justement sur cette double exigence de qualité technique et du contenu éditorial. Tous les médias peuvent être analysés à travers ces deux critères et leur triple fonction d’information, d’éducation et de divertissement.

Les radios alternatives, communautaires et spécialisées ont misé, pour leur programmation, sur les besoins de la population sans chercher à être numéro un. Certes, il y a un prix à payer à ne pas vouloir être à tout prix numéro un. Sans doute celui d’être moins fortuné, mais avec les avantages d’être au cœur de la vraie vie et d’amorcer des changements en profondeur. Embrasser dans sa programmation les causes sociales, les plus démunis, les services communautaires ne favorisent pas l’ascension vers la radio la plus écoutée, la plus musicale, la plus cool et la plus… L’arrivée récente des radios religieuses et spirituelles au Québec a permis à celles-ci d’inventer une présence nouvelle, de répondre à des besoins essentiels et leur croissance est indéniable depuis plus de dix ans. Elles présentent, sous des accents divers, les valeurs essentielles à la cohésion du tissu social de chez nous. Les radios qu’on entend ne sont pas nécessairement celles qu’on écoute vraiment.

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