( 115 ) Sauver le Tibet

4 avril 2008 - Depuis quelques semaines, on ne parle que du Tibet. Qui d’entre nous n’a pas reçu un courrier électronique sur la situation du Tibet, une pétition à signer en faveur de ce pays opprimé, une lettre d’appui aux mouvements pacifistes, une invitation à une manifestation publique? Le Tibet et son célèbre chef spirituel, le Dalaï Lama, occupent le devant de la scène médiatique par les temps qui courent. Il est plus qu’évident que la super puissante Chine ne veut pas se laisser narguer par une bande de moines et de révolutionnaires bouddhistes. Sur le point d’accueillir les Jeux Olympiques de cet été, la Chine fait tout pour préserver l’image qu’elle aimerait bien se donner en admettant dans ses murs le monde entier. Mais voilà que le petit David tibétain vient nuire à la parade du Goliath chinois à la veille de son super spectacle olympien.

La République populaire de Chine, malgré l’attrait qu’elle suscite pour les nombreux investisseurs internationaux, ne peut cacher ses accrocs flagrants et constants aux droits fondamentaux et à la liberté légitime de ses citoyens. Il est clair que, depuis une décennie, la Chine est devenue le pôle d’attraction du monde entier. Avec son quasi milliard et demi d’habitants et son énorme potentiel énergétique, elle est sans contredit le pays, pour ne pas dire le continent, de l’avenir. Toutefois, le monde n’est pas seulement économique et idéologique. Nombreux sont les pays démocratiques, dont le Canada heureusement, et nombreuses sont des organisations internationales à réclamer plus de démocratie et de liberté dans cet immense pays. La Chine fait face à d’innombrables défis dont ceux de la gestion de la démesure de sa croissance économique, de son ouverture stratégique et finement calculée sur le monde, de l’itinérance de sa population en manque de tout, de sa démocratisation devenue nécessaire et de sa transparence tant attendue. Il est certain que le problème tibétain apparaît minuscule en comparaison des problèmes colossaux et urgents qui aboutissent sur la table des dirigeants et des décideurs chinois.

Dans cet immense territoire aux multiples variations, il y a cet espace unique nommé Tibet, pays qui détonne du fait que l’on prône encore les valeurs de tolérance, de non-violence et où le peuple incarne toujours une spiritualité rayonnante. C’est un pays gigantesque d'environ 2,5 millions de km² (soit plus de 2 fois le Québec) avec une altitude moyenne de 4 200 m, qui rassemble les plus hautes et belles montagnes du monde. Un vaste et riche territoire qui a connu des démêlés avec la Chine bien avant aujourd’hui. Il faudrait remonter au XIIe siècle pour comprendre un peu mieux la tension qui existe entre ces deux pays. Mais disons que depuis 1950, la République populaire de Chine s’est imposée avec force dans ce coin d’Asie centrale. Il faut savoir aussi que le Tibet est un territoire qui regorge de ressources naturelles, notamment de réserves considérables d’or, de pétrole, de gaz, de bauxite, de cuivre, d’uranium, d’étain, de lithium. Un territoire riche qui excite grandement l’appétit de la Chine en pleine croissance économique. Et l’on sait bien aussi le rôle de gérant d’estrade que veut jouer la Chine sur l’échiquier mondial.

Après l’invasion du Tibet par la Chine, l’insurrection menée par les Tibétains dans les années 50 éclate contre l’envahisseur qui réussit toutefois à contrer les émeutes et à garder la mainmise sur cet important territoire. Le Dalaï Lama fuit le Tibet en 1959 pour se réfugier en Inde ; plus de 100 000 Tibétains le suivront. On estime que cette répression chinoise a éliminé bien au-delà d’un million de Tibétains. Les massacres perpétrés par la Chine à cette époque sont considérés, par plusieurs organismes internationaux, comme un génocide. Le gouvernement tibétain en exil a toujours réclamé plus d’autonomie, plus de respect de sa culture, de sa religion et de ses traditions séculaires. Au fil des décennies, l'assemblée générale de l'ONU a voté quelques résolutions condamnant les violations des droits fondamentaux et des libertés du peuple tibétain. La Chine n’a pas bronché et a poursuivi progressivement sa répression et son emprise sur le Tibet.

Lors de la commémoration, le 10 mars dernier, du soulèvement tibétain de 1959, les forces chinoises en place ont maté, comme ils savent si bien le faire, l’expression populaire tibétaine; la répression s’est soldée par au moins une centaine de morts. Depuis cet événement fortement médiatisé, les Tibétains ne lâchent pas le morceau et les autorités chinoises accusent leur chef spirituel, âgé maintenant de 72 ans, de soulever la rébellion. Homme de paix et de non-violence, le Dalaï Lama ne réclame pas l’indépendance du Tibet, mais plus d’autonomie, de respect du Tibet et de ses valeurs traditionnelles. À coup de répressions répétées, la Chine est en train de détruire l’une des plus anciennes cultures pacifistes du monde. Nul doute que les dirigeants chinois commencent à être aveuglés par le mirage de la croissance économique de leur pays et l’incroyable visibilité offerte par la fenêtre olympique qui s’ouvre à eux. Lorsque les dirigeants d’un pays, motivés que par la valeur économique de leur puissance, bafouent les droits fondamentaux reconnus, ils finissent toujours par vivre sous le signe de la corruption et de la violence. C’est un géant aux pieds d’argile qui se dressera devant nous aux Jeux Olympiques.

Il est clair que pour le peuple tibétain, la vitrine olympique est une occasion en or de mettre à jour leurs revendications légitimes, mais aussi, ce que bien des citoyens du monde condamnent, la répression chinoise. Lorsque la Chine accuse la figure emblématique du Dalaï Lama, elle se discrédite elle-même. S’attaquer au chef spirituel des Tibétains, c’est comme s’attaquer à Mère Teresa. Chers amis, délivrer le Tibet, c’est sauver un trésor inouïe d’humanité et de spiritualité. J’ose espérer que les Jeux Olympiques de Pékin ne camoufleront pas ce génocide qui a malheureusement trop duré.

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9 commentaires:

Auditeur RVM a dit...

(Pierre Jasmin) Quel article remarquable, cher DG, qui dresse un tableau historique et culturel très complet de ce si beau mais austère pays. Je vous soumets, cher DG, une position des Artistes pour la Paix écrite il y a plus d’une semaine, qui va dans le sens de l’appui au Dalaï-Lama, avec des nuances importantes que vos lecteurs pourraient apprécier. (04-04-08)
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"Les Artistes pour la Paix expriment leur soutien au Dalaï-Lama, prix Nobel de la Paix, qui « en appelle à la cessation des violences au Tibet et prône la retenue et le dialogue ». Nous sommes aussi en faveur que les gouvernements occidentaux exercent un chantage lié à la présence de leurs dirigeants aux Jeux Olympiques, pour faire pression sur le président Hu Jintao afin qu’il respecte les droits de la personne au Tibet : droit de culte, droit de rassemblement, droit de parler la langue régionale, liberté de presse et d’internet, etc.

Comme membre d’une Caravane pour la paix invitée par l’Association culturelle tibétaine en 1993, logé exprès par les autorités chinoises dans un hôtel infect à l’ombre d’une caserne à Lhassa, j’avais apprécié la beauté du Tibet, tant celle des montagnes que celle de ses temples (ah ! le Potala !), et compati avec la misère de son peuple. Les écrits de son leader spirituel m’ont beaucoup appris sur la non-violence, grâce en partie à leur humour, si peu fréquent chez les leaders religieux (Jean XXIII n’en était, lui non plus, pas dépourvu).

Mais on ne peut s’empêcher de penser que le Dalaï-Lama est dans une situation en porte-à-faux et que sa démission comme leader politique des Tibétains, qu’il brandit actuellement comme une menace, arrangerait beaucoup de choses. Sa position ambiguë l’empêche de jouer quelque rôle constructif politique pour la paix en son pays, car un gouvernement communiste chinois n’acceptera jamais le retour au Tibet du dernier leader théocratique, exilé en 1959. En abdiquant son leadership politique, le Dalaï-Lama donnerait le signal clair à ses compatriotes de séparer dorénavant le politique du religieux, atténuant ainsi les heurts compréhensibles du rationalisme chinois avec une civilisation aussi liée au spirituel. Saluons le courage du premier ministre Harper qui n'a pas craint d'aborder la question du Tibet avec ses homologues chinois: il pourrait se faire champion d'une conférence à Montréal en septembre 2009 pour rapprocher le Dalaï-Lama des dirigeants chinois, en soulevant cette hypothèse d'une abdication de son pouvoir temporel.

Alors, faut-il boycotter les Jeux Olympiques ? Saluons l’hypocrisie de cette question, relayée complaisamment par tous les médias : Radio-Canada vient aujourd’hui d’y consacrer la moitié de la première heure de C’est bien meilleur le matin. La Presse du 20 mars avait aussi accordé la permission à ses journalistes d’enfin se lâcher « lousses » sur une question de paix : sept pages du premier cahier, battues il est vrai par les onze pages sur « les sportifs de la paix » le 25 mars! Comparons ces espaces avec les pauvres paragraphes consentis à la discussion du prolongement de la guerre jusqu’en 2011… Les dirigeants médiatiques, et là-dessus nous rejoignons les critiques chinoises, ont trouvé dans la cause du Tibet une façon idéologique pusillanime et sans conséquences de brandir un flambeau « pacifiste », tout en persistant à ne jamais remettre en cause l’augmentation des exportations d’armes occidentales en Afrique ni les guerres en Afghanistan et en Irak. Ces dernières auraient fait au moins mille fois plus de morts civils dans les trois dernières années, que la Chine n’en a faits au Tibet. C’est la parabole de la paille dans l’œil de l’autre qu’on fustige, alors qu’on ignore la poutre dans le nôtre. En fait, la Chine ne serait-elle pas justifiée de boycotter nos athlètes ? Cet argument montre bien les limites tactiques du boycott et de ses effets possibles boomerang.

Cela dit, la situation des Tibétains reste révoltante et il faut protester en leur faveur, puisque eux-mêmes sont interdits de manifestation. Une sympathie québécoise est naturelle à leur égard, petit peuple de six millions dont la métropole est peuplée à majorité d’une population qui parle une autre langue que le tibétain ! En 1993, une personnalité de Shanghaï, qui me faisait miroiter en Chine des master class et récitals, avait lié son projet alléchant et rémunéré à une renonciation de ma part à joindre la Caravane de paix au Tibet : le sacrifice de cet engagement fut fait selon ma conscience individuelle. Par contre, à titre de président des Artistes pour la Paix, je ne me sens actuellement pas justifié de lancer un mot d’ordre de boycott, qui de toute façon ne sera jamais suivi par les hommes d’affaires et ne pénaliserait que les sportifs et artistes idéalistes. J’inciterais cependant les athlètes canadiens à se munir, dans leurs bagages, d’écharpes de soie indienne blanche à nouer autour de leur cou lors des cérémonies de remises de médailles. Ces foulards, récompenses traditionnelles accordées par le Dalaï-Lama lors des rassemblements de ses fidèles, ne peuvent, aux yeux du Comité international olympique, constituer une offense à ses règlements, étant vierges de tout slogan.

Nous sommes conscients que ces éléments de pistes pour la paix irriteront les deux parties impliquées, mais n’est-ce pas à ce signe qu’on reconnaît des idées fructueuses de médiation ?

Auditeur RVM a dit...

(Sylvie Lemieux) J’ai lu avec intérêt votre article sur le Tibet. Merci de m’avoir fait découvrir l’histoire de ce pays. Vous avez tout à fait raison, il faut sauver le Tibet. (04-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Paul Cournoyer) Un magnifique sur le Tibet. J’approuve votre appel à tous. Je m’élève contre l’empire chinois. Il faudrait ne plus acheter les produits chinois. Vous avez pafaitement raison, la vie n’est pas seulement économique. Quand on évacue le spirituel dans nos vies… nous sommes à la dérive ! (05-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Luc Robert) Bravo ! Bravo ! J’ai lu avec joie votre article sur le Tibet. En peu de mots vous résumer bien cette situation scandaleuse. Je souhaite que les Jeux Olympiques soient une chance pour le Tibet de se faire reconnaître et respecter. (05-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Jeanne Latreille) Je suis sensible à la situation du Tibet. Merci de faire découvrir les souffrances de ce peuple pacifiste et rempli de spiritualité. Il faut que les nations réagissent au pouvoir écrasant de la Chine. On ne s’élève pas en écrasant les autres. (05-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Louis Choinière) Je comprends la situation du Tibet mais je ne voudrais que l’on pénalise tous les athlètes qui se préparent depuis des années à réaliser leurs rêves. Je ne suis pas pour un boycott des Jeux. Il faut trouver d’autres moyens de faire réfléchir la Chine. Il faut penser à tous ces jeunes qui se préparent. )05-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Fatima Simon) Je lis vos textes à l’occasion. C’est toujours intéressant. Je porte dans ma prière les gens du Tibet. Je ne peux accepter que les dirigeants chinois écrasent les Tibétains de la sorte. Il faut le monde se réveille et fasse des pressions pour arrêter ce génocide. Merci de nous informer de cela. Félicitations pour tout ce que Radio Ville-Marie réalise. Vous êtes notre conscience sociale. Merci pour tout ! (06-04-08)

Auditeur RVM a dit...

(Pauline Fabre) Félicitations pour ce superbe texte sur le Tibet. Vous m’avez aidé à découvrir certaines réalités. Il faut soutenir ce peuple pacifiste ainsi que le Dalaï Lama. (07-04-08)

Yvan Lavoie( journaliste) a dit...

Un sujet laborieux. Vous abordez l'aspect historique avec précision et intérêt des lecteur dont moi. . Vous me permettrez d'ajouter que la majorité des Chinois assument les pertes de vies humaines nombreuses des centaines de milliers au profit de la révolution.

La solidarité chinoise
La majorité des Chinois, un milliard 300 millions sont d'avis que les Tibétains ont eu plus que leur part du gâteau profitent de tous les médecins envoyés pour de nombreuses maladies en raison de l'altitude, et services socio-éducatifs etc. Ils sont solidairement agacés par le Tibet ''enfants gâtés du système'' répand-on !

Cette information provient d'une femme d'affaires québecoise qui a immigré au Canada il y a une dizaine d'année après ses études de droit en Chine( Shangai). Elle bosse comme interprète et traductrice 3 fois par année en Chine.

Elle ajoute que les Chinois ont la memoire longue du pouvoir qu'exerçaient les religieux privilégiés sur les habitants à une certaine époque furent-il moines tibétains ou de d'autres religions. Ils faisaient porter de lourds fardeaux et profitaient d'avantages que la multitude n'avait pas. Elle évoque la révolution tranquille au Québec pour illustrer la pensée de nombreux sinon la multitudfe de Chinois.

Ma seconde source provient de Jean-François Lépine qui après plusieurs séjours en Chine, note qu'il ya un phénomène de solidarité chinoise '' en bloc'' dit-il. Hors de la Chine point de salut... On a connu ça !

Désinformation et barrière de langue
La Chine n'a pas de chaîne d'information privée parmi les 4 ou 5000 stations télé radio et journaux. Elle s'ouvrira aux valeurs occidentales quand l'information se rendra en Chine fermée par deux clôtures , la langue( 10,000 signes écrit...;. du chinois ) et le contrôle de l'information. En attendant la percée de RVM en Chine !

Il est évident, pour terminer, que les jeux olympiques constituent l'occasion rêvée pour entamer l'échange des valeurs et de l'Information.

Suffit-il de lire en page 119 du Journal de Montreal ( que j'aime bien )de ce vendredi, ce titre : '' Le Québec complet est hockey ''. Les JO peuvent devenir catalyseurs d'un début de dialogue doux mais ferme avec la Chine. L'excellence des résultats sportifs est rassembleuse. Alors go Les JO et la liberté d'expression, fut-elle marquée, un instant, par un une absence de nos élites politiques lors de l'ouverture. Pour autant que l'excellence des résultats sportifs soit au rendez-vous des hasards structurés qui sollicite notre ''prière''.

Je( permettez ) vous raconterai un jour un hasard structuré ( l'expression est d' Hubert Reeves qu'on aurait aimé comme rédacteur des évangiles )qui a ébranlé la communauté des leaders spirituels et certaines journalistes de Radio Can autour de Jean-Paul II au début des années 80.

Il faudra davantage que des signes qui ne contraignent aps la liberté de toute manière. Il faudra aimer les Chinois.