( 76 ) Le Cardinal et ses excuses

26 novembre - Quel déchaînement médiatique! La semaine dernière a été riche en rebondissements, mais aussi en défoulement collectif suite aux propos d’un évêque que l’on dit conservateur. Voilà que le Cardinal Marc Ouellet, éminent archevêque du diocèse de Québec et Primat de l’Église canadienne, expédie une lettre d’excuses aux médias avant de s’envoler pour l’Europe. Une lettre dans laquelle il offre ses excuses pour les torts commis envers le peuple québécois par l’Église catholique avant les années 60; une lettre assortie aussi d’insistantes recommandations d’un retour au bercail. Décidément, il y avait de quoi ameuter les pourfendeurs de la religion. Les médias se sont déchaînés comme jamais!

En peu de jours, nous avons entendu toutes les aberrations inimaginables. Réactions épidermiques d’un peuple qui n’a pas encore fait le ménage dans ses croyances et dans ses appartenances. Il faut dire que les médias se sont chargés d’attiser ce feu porteur de cotes d’écoute et de ventes de journaux. Après avoir entendu quelques ténors à grande gueule de certains médias populistes, tous les représentants des blessés par l’Église ont été les premiers à prendre parole puisque le Cardinal était introuvable en Espagne. On a interrogé les mouvements féministes, le mouvement de la laïcité, le représentant des enfants abusés que l’on appelle les Orphelins de Duplessis, le député bloquiste et prêtre Raymond Gravel, et enfin quelques prêtres ou religieux qui osaient parler en l’absence de l’auteur de cette fameuse lettre. Même la Ministre Christine Saint-Pierre est intervenue dans un domaine où son gouvernement cherche plus que jamais à prendre ses distances. Puis, on a fini par le trouver ce cher Cardinal. Sa réponse aux questions: il ne s’attendait pas à tout ce branle-bas médiatique!

Depuis que la caravane des commissaires de la Commission Bouchard-Taylor sillonne le Québec en sondant le cœur des Québécois sur les accommodements raisonnables, nous en avons entendu de toutes les couleurs et selon l’expression populaires, «des vertes et des pas mûres»; confessionnal à ciel ouvert que cette commission! Depuis des mois, nous entendons parler de la religion sous toutes ses coutures. Le Québec est viscéralement un pays de paradoxes. Nous en avons assez de la religion, mais nous tenons quand même à elle sur le plan culturel et pour marquer les étapes importantes de notre parcours terrestre.

Il y a peu d’endroits au monde où le religieux est encore aussi présent dans les débats de société. Il faut dire que l’Église a été au cœur de l’espace public depuis le début de la colonie. Le Québec a été construit par une liste impressionnante de saints et de bienheureux. Il ne faut pas s’étonner que la religion nous colle à la peau. Nous baignons dans l’eau bénite depuis nos origines; c’est presque génétique! Nos valeurs sociétales que l’on veut pourtant laïques sont fondamentalement d’origines chrétiennes. Certains gueulards médiatiques sont manifestement ignares de la question religieuse, ne faisant aucune nuance, aucune distinction entre l’Église institution et l’Église peuple de Dieu. Il faut dire qu’ils ont débarqué de la religion, pour la plupart dans les années 60, après Vatican II et la Révolution tranquille.

S’il apparaît normal de critiquer les institutions; nous avons toutefois besoin d’elles, malgré la lourdeur qu’elles imposent à nos humbles vies. Nous vivons toujours au Québec dans une culture chrétienne, n’en déplaise à plusieurs détracteurs. L’arrivée massive des immigrants de religion différente, nous replonge dans une question identitaire des plus salutaires. Les propos recueillis lors des audiences publiques sur les accommodements raisonnables vont majoritairement dans le sens du maintien, du respect de notre culture chrétienne et des ses valeurs. Cette fameuse commission est une excellente occasion de réfléchir profondément sur les racines chrétiennes, sur les liens que nous maintenons avec la religion de nos pères. Le christianisme va bien au-delà de la pratique dominicale.

Tirer à boulets rouges sur une Église qui, depuis près de cinquante ans, démontre chez nous des signes évidents d’une mort imminente, relève de la pure démagogie, voir du harcèlement. Notre Église institutionnelle est aux soins palliatifs mes amis! Un peu de respect, s’il vous plait! Comme on dit souvent : «Le Québec est tricoté serré.» Qui d’entre nous, n’a pas un grand oncle, une tante, un cousin, une cousine éloignée, un frère ou une sœur membre du clergé ou d’une communauté religieuse? Le Québec a été une riche pépinière de vocations religieuses; je crois profondément qu’il continuerait d’en produire s’il y avait des enfants. La crise des vocations n’est pas ecclésiale, mais familiale. Les fervents catholiques auraient beau prié à s’en saigner les genoux, sans enfants, pas de prêtres et de religieux. C’est clair comme de l’eau bénite mes amis! Le clonage des prêtres et des religieux, ce n’est pas pour demain. À mon avis, il faudrait davantage prier pour la famille. L’ordination des femmes, bien que souhaitée, ne ramerait pas les Québécois distants à la pratique du culte dominical. C’est un leurre! Nous n’avons qu’à vérifier dans les Églises protestantes. Le malaise de nos contemporains est bien plus profond que cela.

Revenons à Monsieur le Cardinal. Je pense qu’il aura des comptes à rendre à son retour au Québec. Dans la vie médiatique ou dans la vie tout court, tout est une question de timing, d’à propos et de nuances. Ce qui dérange dans la lettre du prélat, ce ne sont pas tant les excuses que les propos récupérateurs d’un évêque déjà perçu comme conservateur, ayant vécu à l’étranger et aux services internes de l’institution pendant des années, loin des préoccupations du vrai monde. Sans être le légendaire Cardinal Léger, il est clair que son Éminence aime les caméras! On ne peut reprocher au Cardinal de faire des excuses publiques, après tout, il est le Primat de l’Église canadienne. À ce titre, on n’a pas à demander à qui que ce soit la prise de parole; on la prend c’est tout!

Monsieur le Cardinal, le Québec a changé! La prise de parole publique d’une autorité reconnue ne peut se faire de manière anodine, sans mesurer les conséquences. Si c’est le cas, c’est de la pure naïveté. Des excuses aussi sincères soient-elles n’effacent pas tout! Elles étaient un risque à prendre dans une période sensible et de surchauffe identitaire. Malheureusement, la sincérité des excuses a été minée par des propos récupérateurs. La noble intention de rétablir le dialogue entre l’Église et le peuple québécois s’en trouve terni, suscitant spontanément la méfiance, le scepticisme. «Chat échaudé craint l’eau froide» dit-on. Nous le savons tous, les Québécois ont beau vociféré contre la religion, elle fait partie d’eux-mêmes. Elle fait tellement partie de leur être profond que les mots de la sacristie, même laïcisés, colorent toujours abondamment leur langage quotidien.

Qu’on se le dise, l’Église catholique a déjà vu neiger. Elle ne vit pas au rythme de notre société tapageuse, iconoclaste et hédoniste; elle a l’éternité pour elle! Sa lente et lourdaude marche dans les méandres de la vie de nos sociétés, au cours de l’histoire, lui donne quand même une longueur d’avance sur notre futur immédiat, sur notre vue trop souvent à court terme, limitée. Elle a, de par sa mission et son espérance, de la vision et de la perspective qui dépassent de loin nos tiraillements bêtement humains. Mais l’Église ne doit pas oublier que la foi se vit concrètement dans la pâte humaine, dans des gestes de solidarité, de compassion et d’écoute. Ceci dit, rien n’empêche qu’un Cardinal puisse se faire rabrouer sans complaisance, au grand dam des ses collègues de l’épiscopat québécois. Les Pères du concile Vatican II parlait d’une Église pour notre temps! Où est-elle se demandent encore plusieurs catholiques quarante-cinq ans plus tard? En Église, on ne peut plus faire cavalier seul, c’est éminemment une parole commune et de solidarité qu’il faut prendre. Bon retour au pays Monsieur le Cardinal.


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9 commentaires:

denis a dit...

Imaginons Jésus de Nazareth(ou de Montréal) vivant à notre époque hyper médiatisée. Jésus n'avait pas peur de dire sa façon de penser. Je crois qu'il aurait pu sans gêne dire à certains politiciens ou autres autorités d'institutions qu'ils sont des 'sépulcres blanchis', même 'd'hypocrites'. Assurément que les caméras auraient été braquées sur lui pour la TV et autres médias. La différence avec le Cardinal Jésus ne possédait pas un passé houleux. Jésus était opportuniste. Toutes les occasions étaient pour lui de révéler les injustices, la Vie, le Pardon, la conversion. Je suis d'accord avec vous en disant que ce n'était pas un bon contexte pour le Cardinal de faire une demande de pardon(ce qui me tracasse, je me demande pourquoi il s'est senti obligé de dire que c'était dans la continuité du pardon de Jean-Paul II, étais-ce vraiment nécessaire dans ce contexte? En sachant que le pardon de Jean-Paul II concernait toutes les erreurs historiques de l'Église Catholique, même la réhabilitation de Galilé). Vous faites bien de mentionner cette nuance entre Église mystique, Peuple ou Communauté et de celle de l'Institution soit le clergé. Si le simple mortel ne fait pas aujourd'hui la différence, je crois que les propos du Cardinal vont tomber dans le beurre, de même qu'il existe des ignorances de la part des gens qui ont intervenus en disant que ce n'est pas suffisant de donner des excuses, qu'il faut des gestes. Ces gens ne se doutent pas, par exemple, de ces idées qui ont été bâties sur le célibat des prêtres, une très longue tradition, ce qui différencie l'Église Catholique de l'Église Protestante. Cette dernière justement a encore vécue, la semaine dernière je crois, un autre schisme, une autre division de sa communauté entre ceux qui sont pour le mariage des personnes de même sexe: pas croyable que nos frères Anglicans ne lésinent pas avec la rondelle lol lol

La famille. Dimanche passé je suis allé voir et écouter le Requiem de Mozart à l'église Notre-Dame. Avant le concert je suis allé chez Tim Horton pas très loin de là. J'étais assis en face de 5 personnes, 3 parmi eux étaient des choristes: 2 des Chanteurs de Sainte-Thérèse et le bambin Petit Chanteur du Mont-Royal; les 2 adultes étaient papa et grand-papa. J'entendais parler le grand-père à son petit fils: quel beau dialogue, oui un dialogue. Ça paraissait que l'enfant a été habitué à ça, il écoutait son grand-père d'une manière relieuse. Surtout que l'enfant quand il parlait il se sentait aussi écouter. Ce qui m'amène à dire que la nouvelle Évangélisation devra tenir compte de ça, nourrir l'âme par des témoignages vivants de ce type de communications. Dans les pays de Missions, on sait qu'il faut nourrir les ventres avant de parler de Jésus Christ. Ici ça devra être la même chose, les témoins de cette évangélisation devront être des communicateurs, ils devront témoigner par l'exemple. Le Cardinal devra en tenir compte s'il veut rattraper ces temps heureux où on ne semblait pas craindre la distance du peuple avec l'Église. L'importance de ne pas éteindre l'Esprit Saint qui suscite des attitudes comme des Christian Beaulieu, des Mère Thérésa ou des Jean Vanier. Le Clergé devra être moins bureaucrate, intellectuel, tout en éduquant, genre un Jean Bosco. Dans ce contexte je suis certain qu'il aura des appels à des vocations religieuse, le goût de faire comme Jean Bosco par exemple. Nous ne serons plus en attente de faire plus d'enfants, mais viser plus sur l'authenticité que sur le nombre.

P.S.: Comment j'ai fait pour savoir si c'était des choristes? Je leur ai demandé tout simplement lol Ils étaient tout surpris que j'ai pu savoir que c'était des choristes pour le concert lol

Auditeur RVM a dit...

Le Cardinal se fait brasser un peu! Il le mérite. Il se pense dans les années 40. Je pense qu’il devrait retourner à Rome. J’ai lu sa fameuse lettre et c’est très stratégique. Cela sent la récupération à plein nez. Monsieur le Cardinal, vous me décevez! (M.M.)

Auditeur RVM a dit...

Tu parles d’une lettre. Je trouve que le Cardinal a le tour de se mettre dans les plats. On dirait qu’il vit sur une autre planète. C’est une très mauvaise pour l’Église du Québec. Depuis des années, on sent que l’Église se rapproche davantage des gens, essaie de comprendre le vécu des gens. Le Cardinal vient de saboter tout le travail de pastoral de milliers de gens. À droite, toute! Non, merci Monsieur le Cardinal. (J-L. F.)

Auditeur RVM a dit...

Je suis pleinement d’accord avec votre texte à point. Le Cardinal Ouellet ne semble pas vivre la collégialité avec ses confrères évêques. Dire que certains le disent papabile. Mon Dieu, protégez-nous! (C.T.)

Auditeur RVM a dit...

Je trouve admirable le geste du Cardinal Ouellet. C’est un homme de courage. On a besoin de se faire brasser un peu! Je suis convaincu que cela va produire de bons fruits. Il n’y a plus de respect pour la parole d’un évêque. Le Québec n’a plus de respects pour ses racines religieuses. Je suis des Québécois et des médias en général. Chapeau Monsieur le Cardinal

Auditeur RVM a dit...

Non, Monsieur le Cardinal à vos excuses. Vous essayez de nous manipuler. C’est fini ce temps-là. (T.R.)

Auditeur RVM a dit...

Il y a beaucoup de vérités dans votre article. Merci de nous aider à voir clair dans la lettre du Cardinal. Il y a des éléments que je n’avais pas saisis. Merci et continuez. (C.D.)

Auditeur RVM a dit...

Le Cardinal Ouellet mérite du respect. Je trouve noble le geste posé. Les médias n’ont pas été corrects avec leurs commentaires. Nous avons une presse à sensations. Où est la rigueur? (D.L.)

Auditeur RVM a dit...

J'AI APPRIS TOUT CA À LA MAISON ENSUITE LES RELIGIEUSES ONT COMPLÈTÉ MA FORMATION. Le protocole c 'est de l'inconnu pour un bon nombre. Je ne suis pas étonnée de l'ignorance .Moi même si je lis la Bible,j'ai beaucoup à apprendre. LE CLERGÉ EST TRÈS SAVANT, surtout MGR Ouellet. Je suis `a l'écoute et je réfléchis. Vos écrits nous font prendre conscience de se tourner la langue plusieurs fois avant de parler. Continuez et Merci pour ces belles réflexions. (L.S.)