30 septembre 2008 - Avec la reprise scolaire de l’automne, il n’y a pas un jour où l’école n’est pas sous la loupe des chroniqueurs, des journalistes et de tous ceux qui désirent mordre dans quelque chose de croquant. L’école est une cible de choix. Quoi qu’il en soit, les enfants sont repartis pour l’école après des vacances assez humides merci; la caravane des 8 000 autobus jaunes du Québec sillonnent tant bien que mal nos routes à obstacles à la recherche d’enfants qui se font de plus en plus rarissimes. Il y a toutefois plus 1,2 millions d’enfants sur les bancs d’école dans la province. Dire qu’il y a à peine quelques décennies, les jeunes étaient si nombreux que l’on ne finissait plus d’agrandir et de construire des écoles. Je me souviens surtout que l’on marchait pas mal plus pour se rendre à l’école. Il me semble qu’il y avait aussi un peu moins d’enfants rondelets et bedonnants. Il est vrai que la restauration rapide était moins omniprésente aux abords des cours d’écoles. Autre temps, autre mœurs!
Comme dit la chanson de France Gall: «Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école?» En feuilletant les revues et quotidiens, on a parfois l’impression que tout le monde s’acharne à réinventer ce que devrait être une bonne école pour nos enfants, une université de qualité pour nos jeunes. Il faut avouer qu’avec les déficits à répétition de certaines institutions, le délabrement structurel de nos établissements scolaires à court de budget suffisant, la recrudescence de la dépression contagieuse chez des centaines de profs fatigués, on est à même de se demander qui mène ce système d’éducation qui ne fournit plus d’accumuler les réformes. Et qui plus est, l’émission Enquête de Radio-Canada levait le voile ces jours-ci sur les ravages de la tricherie clandestine dans les universités. Un nombre croissant d’étudiants paient des gens pour réaliser leurs propres travaux scolaires et même pour se faire remplacer aux examens. Quelle formation mes amis?
Nous comprenons sans doute plus aisément l’attirance croissante des parents pour le privé. En pleine rentrée scolaire, un nouveau bulletin de santé des écoles privées et publiques sortait dans le Journal de Montréal, certes un peu différent de celui publié annuellement par la revue L’Actualité. Il ne faut pas se leurrer, s’il y a concurrence entre l’école privée et l’école publique, il faut s’attendre que cela se passe aussi dans le monde de la presse écrite. Une bonne affaire reste une bonne affaire! Dans le palmarès publié le 19 septembre dans le Journal de Montréal, les écoles de chaque système sont comparées entre elles. Pas si bête, on compare des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. Mais n’oublions pas que ce sont tout de même des fruits. Nos enfants fréquentent ce que l’on appelle une école qu’elle soit privée ou publique. Le journal 24 heures titrait lors de la parution de ce palmarès: «Des écoles privées atteignent l’excellence et les écoles publiques se démarquent.» Sans commentaire, le tout est dans le titre de l’article!
En cette rentrée 2008, un témoignage publié la semaine dernière dans un quotidien montréalais m’a beaucoup touché: Benjamin Girard, un professeur du secondaire, dit pourquoi il a décidé d’abandonner le bateau scolaire. C’est une sorte de cri du cœur d’un homme désabusé en si peu de temps, il faut le dire, devant la débâcle de son idéal. Benjamin a abandonné son rôle d’éducateur après cinq ans seulement de loyaux services. La raison? La médiocrité du système mes amis. Selon lui, le nivellement par le bas a atteint des proportions catastrophiques dans le système scolaire québécois: «On ne veut plus d’élite intellectuelle au Québec. Dans mes classes, l’écart entre les meilleurs résultats et les moins bons pouvaient atteindre jusqu’à 60%. (…) Je devais diminuer mes exigences pour ne pas nuire à l’image de l’école. (…) Bref, le nivellement par le bas a atteint des proportions endémiques et je crains pour l’avenir de la province.»
Par ce cri du cœur, Benjamin Girard exprime le ras-le-bol de centaines d’autres, plus nombreux qu’on le pense, qui survivent à peine dans un système d’éducation qui semble à la dérive. Le tableau est-il si sombre que cela? Peut-être pas, mais il apparaît évident que certaines connaissances, en particulier la maîtrise du français, a perdu du terrain. Notre enseignant démissionnaire ajoutait dans son témoignage: «L’école est devenue un obstacle au bonheur des enfants et ces derniers sont appuyés dans leurs revendications pour plus d’oisiveté par leurs parents.» La mission de notre système d’éducation n’est sûrement pas de former des cancres et des ignares. L’école ne peut pas tout faire certes, d’où l’importance de l’engagement des parents dans le parcours éducatif de leur enfant. Tout n’est pas sous la responsabilité de l’école seule.
L’arrivée sur les tablettes du livre choc Pourquoi nos enfants sortent-ils de l’école ignorants? a suscité plus que des remous dans les milieux scolaires en cette rentrée. Elle a même fait sortir de ses gonds l’ancien premier ministre du Québec Jacques Parizeau. Dans une lettre ouverte publiée le 11 septembre et intitulée «Le gâchis scolaire», ce dernier constatait et déplorait «la faillite de notre système scolaire». Tout un diagnostic! Lors des États généraux sur l’éducation de 1995-1996, l’objectif était d’atteindre un taux de réussite au diplôme de 85% pour 2010. Ce taux frise à peine aujourd’hui 71% sur le territoire québécois. C’est quand même près de 30% des jeunes qui ne terminent pas le cycle secondaire. Ici, nous passerons évidemment sous silence la valeur et la qualité des acquisitions comprises sous cette réussite, ce diplôme.
Certes, il ne faut pas que dénigrer l’école publique, il faut la sauver, car c’est l’avenir de nos enfants, de notre culture, de notre province qui se joue. L’école publique ne peut être qu’une grande garderie; l’apprentissage demande des efforts soutenus et de la persévérance. Nous vivons dans une société permissive menée par les modes, la consommation et la facilité. L’effort, la passion et la ténacité ne sont plus malheureusement à l’origine de nos engagements personnels et collectifs. Ce n’est pas vrai que tout va de soi, qu’un rien suffit pour réussir comme le laisse si bien entendre certains slogans publicitaires.
Benjamin Girard, notre professeur démissionnaire, conclut son témoignage par ces mots percutants et tellement vrais: « De grâce, cessons de vouloir à tout prix créer une école qui plairait aux adolescents et revenons simplement à l’essentiel: rigueur et effort, voilà tout!» N’oublions pas que c’est la nature qui nous donne à profusion le génie, les talents de chez nous, que c’est la société qui souffle un esprit, une inspiration, un avenir, mais que ce sera toujours l’éducateur passionné qui suscitera le goût d’apprendre, de savoir et de se réaliser. Encore faut-il que ces hommes et ces femmes y trouvent une âme dans cette école. L’école de chez-nous, parlons-en encore!
Commentez cet article : LeblogueduDG@gmail.com
Comme dit la chanson de France Gall: «Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école?» En feuilletant les revues et quotidiens, on a parfois l’impression que tout le monde s’acharne à réinventer ce que devrait être une bonne école pour nos enfants, une université de qualité pour nos jeunes. Il faut avouer qu’avec les déficits à répétition de certaines institutions, le délabrement structurel de nos établissements scolaires à court de budget suffisant, la recrudescence de la dépression contagieuse chez des centaines de profs fatigués, on est à même de se demander qui mène ce système d’éducation qui ne fournit plus d’accumuler les réformes. Et qui plus est, l’émission Enquête de Radio-Canada levait le voile ces jours-ci sur les ravages de la tricherie clandestine dans les universités. Un nombre croissant d’étudiants paient des gens pour réaliser leurs propres travaux scolaires et même pour se faire remplacer aux examens. Quelle formation mes amis?
Nous comprenons sans doute plus aisément l’attirance croissante des parents pour le privé. En pleine rentrée scolaire, un nouveau bulletin de santé des écoles privées et publiques sortait dans le Journal de Montréal, certes un peu différent de celui publié annuellement par la revue L’Actualité. Il ne faut pas se leurrer, s’il y a concurrence entre l’école privée et l’école publique, il faut s’attendre que cela se passe aussi dans le monde de la presse écrite. Une bonne affaire reste une bonne affaire! Dans le palmarès publié le 19 septembre dans le Journal de Montréal, les écoles de chaque système sont comparées entre elles. Pas si bête, on compare des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. Mais n’oublions pas que ce sont tout de même des fruits. Nos enfants fréquentent ce que l’on appelle une école qu’elle soit privée ou publique. Le journal 24 heures titrait lors de la parution de ce palmarès: «Des écoles privées atteignent l’excellence et les écoles publiques se démarquent.» Sans commentaire, le tout est dans le titre de l’article!
En cette rentrée 2008, un témoignage publié la semaine dernière dans un quotidien montréalais m’a beaucoup touché: Benjamin Girard, un professeur du secondaire, dit pourquoi il a décidé d’abandonner le bateau scolaire. C’est une sorte de cri du cœur d’un homme désabusé en si peu de temps, il faut le dire, devant la débâcle de son idéal. Benjamin a abandonné son rôle d’éducateur après cinq ans seulement de loyaux services. La raison? La médiocrité du système mes amis. Selon lui, le nivellement par le bas a atteint des proportions catastrophiques dans le système scolaire québécois: «On ne veut plus d’élite intellectuelle au Québec. Dans mes classes, l’écart entre les meilleurs résultats et les moins bons pouvaient atteindre jusqu’à 60%. (…) Je devais diminuer mes exigences pour ne pas nuire à l’image de l’école. (…) Bref, le nivellement par le bas a atteint des proportions endémiques et je crains pour l’avenir de la province.»
Par ce cri du cœur, Benjamin Girard exprime le ras-le-bol de centaines d’autres, plus nombreux qu’on le pense, qui survivent à peine dans un système d’éducation qui semble à la dérive. Le tableau est-il si sombre que cela? Peut-être pas, mais il apparaît évident que certaines connaissances, en particulier la maîtrise du français, a perdu du terrain. Notre enseignant démissionnaire ajoutait dans son témoignage: «L’école est devenue un obstacle au bonheur des enfants et ces derniers sont appuyés dans leurs revendications pour plus d’oisiveté par leurs parents.» La mission de notre système d’éducation n’est sûrement pas de former des cancres et des ignares. L’école ne peut pas tout faire certes, d’où l’importance de l’engagement des parents dans le parcours éducatif de leur enfant. Tout n’est pas sous la responsabilité de l’école seule.
L’arrivée sur les tablettes du livre choc Pourquoi nos enfants sortent-ils de l’école ignorants? a suscité plus que des remous dans les milieux scolaires en cette rentrée. Elle a même fait sortir de ses gonds l’ancien premier ministre du Québec Jacques Parizeau. Dans une lettre ouverte publiée le 11 septembre et intitulée «Le gâchis scolaire», ce dernier constatait et déplorait «la faillite de notre système scolaire». Tout un diagnostic! Lors des États généraux sur l’éducation de 1995-1996, l’objectif était d’atteindre un taux de réussite au diplôme de 85% pour 2010. Ce taux frise à peine aujourd’hui 71% sur le territoire québécois. C’est quand même près de 30% des jeunes qui ne terminent pas le cycle secondaire. Ici, nous passerons évidemment sous silence la valeur et la qualité des acquisitions comprises sous cette réussite, ce diplôme.
Certes, il ne faut pas que dénigrer l’école publique, il faut la sauver, car c’est l’avenir de nos enfants, de notre culture, de notre province qui se joue. L’école publique ne peut être qu’une grande garderie; l’apprentissage demande des efforts soutenus et de la persévérance. Nous vivons dans une société permissive menée par les modes, la consommation et la facilité. L’effort, la passion et la ténacité ne sont plus malheureusement à l’origine de nos engagements personnels et collectifs. Ce n’est pas vrai que tout va de soi, qu’un rien suffit pour réussir comme le laisse si bien entendre certains slogans publicitaires.
Benjamin Girard, notre professeur démissionnaire, conclut son témoignage par ces mots percutants et tellement vrais: « De grâce, cessons de vouloir à tout prix créer une école qui plairait aux adolescents et revenons simplement à l’essentiel: rigueur et effort, voilà tout!» N’oublions pas que c’est la nature qui nous donne à profusion le génie, les talents de chez nous, que c’est la société qui souffle un esprit, une inspiration, un avenir, mais que ce sera toujours l’éducateur passionné qui suscitera le goût d’apprendre, de savoir et de se réaliser. Encore faut-il que ces hommes et ces femmes y trouvent une âme dans cette école. L’école de chez-nous, parlons-en encore!
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