( 50 ) Coucher dehors...

19 octobre 2007 - Il y a des réalités qu’on ne veut plus voir ou que l’on n’ose plus regarder. J’ai parlé des sans-abri. Dans 22 villes du Québec, les Auberges du cœur soulignent la 18e nuit des sans-abri ce 19 octobre; plus d’un millier de personnes se réuniront pour sensibiliser la population à l’exclusion. Le phénomène de l’itinérance a pris de l’ampleur au Québec; force nous est de constater que celui-ci ne touche pas uniquement les grandes villes. Qui n’a pas vu dans un centre de ville un corps enroulé dans un vieux carton ondulé? Qui n’a pas aperçu devant une boutique la main tendue d’un vieillard à la barbe longue? Qui n’a pas été interpellé au hasard par un jeune mal attriqué quémandant un peu d’argent pour manger? Qui n’a pas refusé l’offre d’un squeeze voulant laver le pare-brise de son auto? L’invisible réalité de l’itinérance, des sans-abri et des jeunes de la rue, est plus visible qu’on le pense!

Dans son rapport «Santé mentale et itinérance», publié en juillet dernier, l’Institut canadien de l’information sur la santé mentionne que le portrait de l’itinérance est mal connu au pays et très difficile à cerner. Certes, mais il existe à en crever les yeux! Les auteurs citent des chiffres provenant des plus grandes villes précisant que l’on ne peut toutefois comparer. À Montréal, près de 2000 itinérants se retrouvent dans les refuges et il manque de place. Mais qu’est-ce qu’une personne itinérante? Comment le devient-on?

Comme beaucoup d’autres sujets, les auteurs ne s’entendent pas sur la définition de l’itinérance. Selon les chercheurs Laberge, Cousineau et Roy: «La personne itinérante serait celle qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre pour les 60 jours à venir, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé mentale, d’alcoolisme, de toxicomanie ou de désorganisation sociale et dépourvue de groupe d’appartenance stable.» Ouf… toute une pathologie! Disons que c’est une définition très englobante de la personne itinérante!

Le phénomène de l’itinérance regroupe des sans-abri, des vagabonds, des clochards. Il semble toutefois exister des nuances entre ces catégories. Cependant, elles mettent toutes en évidence «la fragilité du lien social, la précarité de la situation personnelle, la vulnérabilité sur le plan socioaffectif; le choix d’un terme ou l’autre souligne une dimension particulière: le logement ou son absence, la très grande précarité économique, les difficultés de fonctionnement.» selon les auteurs Laberge et Roy.

On ne devient pas itinérant par choix! Plusieurs facteurs, tels la pauvreté, le revenu inadéquat pour payer le logement, la perte d’emploi incitent des personnes vulnérables à prendre le large. Pour les jeunes, il y a aussi les conflits familiaux, la drogue. Il ne faut surtout pas ignorer la désinstitutionalisation de nos centres de santé psychiatrique par l’État. Devant le sous-financement du soutien aux familles et aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale, plusieurs ex-bénéficiaires de l’État ont été abandonnés des leurs et ont pris le chemin de la rue. D’ailleurs les troubles mentaux représentent la majorité des causes d’hospitalisation chez les itinérants.

Dans un pays où l’opulence s’affiche de vitrine en vitrine, l’itinérance est un drame, voire un scandale. Les refuges comme La Maison du Père, la Mission Bon Accueil, la Mission Old Brewery et les Auberges du cœur accomplissent un travail extraordinaire, mais ils ne sont et ne seront que des options temporaires. Il y a quelques jours, les dirigeants de ces maisons réclamaient plus d’aide des autorités gouvernementales. Ils reçoivent actuellement un maigre 1,88$ par jour/personne pour accueillir et offrir deux repas, gîte, literie et soins à la personne itinérante. Ce n’est pas le gros lot! Il en faudrait 24$ par jour pour maintenir des services de qualité.

Qu’on se le dise, l’itinérance a un fort coût humain et social. Avec l’hiver qui approche, les sans-abri devront user d’imagination pour se réchauffer un peu, car leurs vieux cartons ondulés prennent pas mal l’air! Il importe que les autorités gouvernementales mettent en place des mesures pour favoriser le logement subventionné ou supervisé, des programmes d’aide et d’insertion, des soins de santé adaptés à la condition des itinérants, l’embauche d’intervenants qualifiés, etc.

Il semble bien évident que la question de l’itinérance n’est pas en tête des priorités de nos élus. Peu importe nos convictions et nos états d’âmes sur la question, il est temps de se mobiliser pour chercher des solutions afin d’améliorer la qualité de vie des sans-abri et leur permettre de retrouver un peu de leur dignité. En 2002, l’Assemblée nationale du Québec adoptait une loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Malgré certaines actions louables, il reste encore du chemin à faire car dans la vie, entre vous et moi, personne n’est à l’abri!


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2 commentaires:

leravisseur a dit...

J'ai lu avec intérêt les nombreux articles parus sur le sujet hier et aujourd'hui dans les journaux. C'est vrai que l'on ne mesure pas réellement les réalités vécues par les sans-abri. Je pense que le gouvernement doit faire sa part pour aider les organismes qui viennent en aide auprès des gens qui fréquentent les refuges. Il est vrai que nous portons des jugements rapidement sur les sans-abris. Toutefois, chacun est aussi responsable de sa propre vie.

Auditeur RVM a dit...

On voit des itinérants un peu partout. Je crois qu’il est de notre responsabilité de les accueillir. Que faisons-nous concrètement pour les aider ? L’itinérance, c’est aussi le fruit de nos politiques gouvernementales. ( S.B.)