( 67 ) À genoux les Québécois ?

13 novembre 2007 - Québec, terre de forêts et de lacs, mais aussi de paradoxes! On ne finit plus de sonder les cœurs des Québécois en ce temps de recherche identitaire. Les diverses commissions publiques qui sondent la population ont exploré tout, sauf la spiritualité des Québécois. Si l’on en juge par le récent sondage CROP du 28 octobre 2007, ces Québécois n’affichent pas toujours ce qu’ils pensent ou plutôt ce qu’ils vivent intérieurement. Si la plupart d’entre eux ont délaissé la pratique cultuelle, il en est autrement de la prière. De quoi surprendre tous les sondeurs; les Québécois sont des priants! Il y a de quoi en perdre son latin.

Le sondage révèle que 65% des Québécois disent avoir prié au cours des douze dernier mois. Cette pratique de la prière tend à augmenter avec l’âge, ce qui apparaît tout à fait normal sociologiquement. Même les jeunes prient; un jeune sur deux de 18 à 34 ans dit avoir prié dans la dernière année! Chose étonnante, 70% des Québécois croient que la prière peut changer la vie d’une personne. Nous sommes loin des affirmations gratuites des ténors radicaux de la laïcité pure et dure qui se font valoir du haut de leur perchoir ces temps-ci.

On peut cependant se demander qui prie au Québec? En tout premier lieu, ce sont les femmes qui sont en tête de liste avec 70% contre 56% pour les hommes. Les statistiques révèlent aussi que les gens des régions prient davantage que ceux des grandes villes comme Montréal, que les moins scolarisés prient plus fréquemment que les autres, que les pauvres prient davantage que les plus fortunés. Surprenants ces chiffres provenant de cette terre arrosée d’eau bénite depuis des siècles? Pas vraiment!

Il est pourtant incontestable d’affirmer que l’être humain est un être spirituel, ayant soif de transcendance. De toujours, il s’est tourné vers l’au-delà pour trouver des réponses à ses grandes questions existentielles, pour soulager ses souffrances, pour donner un sens à son itinéraire terrestre. Les Québécois ont vécu une crise profonde d’appartenance religieuse, une remise en question radicale par rapport à la religion catholique qui ont encore des ressacs dans leur vécu quotidien. Cela perdure depuis au moins quatre décennies! L’abandon massif de la population fut d’abord d’ordre structurel; c’est l’institution que l’on a quittée si facilement, comme on laisse ses pantoufles au pied du lit. Pour un bon nombre de catholiques, la religion reposait davantage sur des fondements d’ordre culturel. Des valeurs et des aspects émanant de cette culture religieuse populaire colorent toujours notre imaginaire collectif et notre vocabulaire journalier.

Tous les coups de sonde effectués depuis de nombreuses années démontrent hors de tout doute que la population québécoise est massivement croyante, voire catholique. Toutefois, ces statistiques indiquent depuis une décennie une légère diminution des croyances. Quoi qu’il en soit, l’être humain sera toujours confronté à cette question fondamentale de l’existence de Dieu, d’un être suprême.

Même la science s’intéresse à la prière. Plusieurs études semblent démonter un effet bénéfique chez les usagers de la prière. En tant qu’approche thérapeutique, des chercheurs affirment au moins une chose: la prière a des effets positifs observables et mesurables sur la santé, sans toutefois comprendre encore quels sont les mécanismes qui entraînent ces effets. Certaines recherches se contredisent et plusieurs analystes mettent en doute qu’on puisse prouver scientifiquement les effets de la prière. Il y aurait certes quelques nuances à apporter sur la croyance populaire des effets magiques de la prière.

En ce qui concerne les effets démontrés, les recherches effectuées établissent un lien hors de tout doute entre la pratique religieuse et la santé. Dans cette perspective, un nouveau champ d’étude appelé l’épidémiologie de la religion aborde toutes ces questions. Les études menées à ce jour dans ce champ de recherche sont cependant moins nombreuses sur la prière comme telle; celles menées globalement sur la pratique religieuse, sans être toutes concluantes, sont très encourageantes et significatives.

La démarche spirituelle de chaque individu est unique, singulière. Ici, nous foulons un terrain miné. C’est un sujet délicat où se mêlent aisément des éléments culturels et sociaux, des questions morales et éthiques. Les études du Dr Larry Dossey, un expert dans le domaine, ne font aucun doute: la religion et la spiritualité ont un effet positif tant pour la santé globale que pour des problèmes spécifiques. Par contre, les différentes études sur la prière sont plus confuses, mais tendent à démontrer toutefois des effets bénéfiques pour nombre de malades. Il est normal que plusieurs experts scientifiques demeurent sceptiques face aux résultats de ces études. De façon respectueuse, de nombreux médecins abordent souvent, lors de consultation, les questions de religion et de spiritualité avec leurs patients.

Ce n’est pas demain que nous verrons massivement les Québécois reprendre le chemin de l’Église. Toutefois, la foi en Dieu dépasse les Églises; historiquement, Jésus n’était pas de religion catholique! Que les Québécois s’adonnent majoritairement à la prière est signe d’espoir. Antoine de Saint-Exupéry écrivait dans Citadelle: «La grandeur de la prière réside d’abord en ce qu’il n’y est point répondu.» Comme une clé, la prière semble ouvrir une fenêtre sur l’infini, entrevoir une éclaircie devant la finitude de nos existences, sans y attendre nécessairement de réponse. Sans doute que pour le croyant, elle a plus de pouvoir que les scientifiques ou les humains se l’imaginent. Le célèbre Gandhi disait: «Il vaut mieux mettre son cœur dans la prière sans trouver de paroles que trouver des mots sans y mettre son cœur.» En ces temps de questionnement collectif, les Québécois risquent-ils de se serrer les coudes tout en joignant les mains? Qui sait? À genoux, pour devenir des êtres debout et libres devant l’avenir qui se présente à nous! Pourquoi pas?

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4 commentaires:

Auditeur RVM a dit...

Quelle belle réflexion sur la prière. Lorsque les Québécois reprendrons le chemin de la prière, il y a bien des choses qui changeront dans leur vie. (B.C.)

Auditeur RVM a dit...

Je trouve intéressant vos commentaires et surtout les résultats du sondage CROP. J’aimerais avoir une copie de ce sondage. C’est vrai que l’on plus affirmer ce que nous sommes, ce que nous croyons. Il ne faut pas toujours se fier aux apparences. (M.L.)

Auditeur RVM a dit...

Pas si mal les Québécois ? C’est un peu réconfortant de constater ces chiffres. Toutefois, cela reste des chiffres. On ne sait pas exactement ce qu’il y a vraiment en dessous de ces chiffres. Un sondage reste un sondage. Je ne suis pas si certain que cela que les Québécois sont de si grands priants que cela. Pour les sacres, ils sont top niveau ! Pour la prière, on y repassera sans doute ! C’est mon opinion. (P.S.)

Auditeur RVM a dit...

Je suis croyante et je suis étonnée des résultats que vous nous donnez. Tant mieux si les Québécois se révèlent plus croyants qu’on le pense. Cela ne peut que les aider. C’est vrai que lors des audiences de la Commission Bouchard-Taylor, plusieurs personnes ont réclamé une plus grande place pour la religion catholique. (T.V.)