( 103 ) Des valeurs qui comptent !

15 janvier 2008 - Nous venons de changer d’année civile; je me mêle encore en inscrivant l’année requise sur certains documents, chèques ou formulaires. C’est un peu normal, les réflexes prennent du temps à changer. Après tout, nous avons écrit 2007 pendant quelques trois cent soixante-cinq jours; ça rentre dans le crayon et dans la mémoire, mes amis! Imaginez après cinq, quinze ou vingt ans! Il a fallu bien des mois à de nombreux curés, à la suite de la mort de Jean-Paul II, pour substituer le nom de Benoît XVI dans la liturgie dominicale. Il faut dire que le pape superstar avait régné un quart de siècle. L’être humain, dans ses comportements et ses habitudes, est un peu pantouflard même chez les Québécois d’ordinaire plus «ritalins» que les autres Canadiens. Qu’en est-il au niveau de la transmission des valeurs? Les Québécois sont-ils aussi changeants ou traditionnels qu’on le pense?

Lors de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, de nombreux intervenants se sont exprimés afin de réclamer pour le Québec un respect de nos valeurs communes, traditionnelles et issues de notre héritage chrétien. On pourrait dire qu’il y avait tacitement un quasi consensus. L’immense défi reste à définir ce cadre référentiel capable d’inspirer notre collectivité à construire une société plus équitable, harmonieuse et soucieuse des nouveaux arrivants qui désirent partager nos idéaux. Défi de taille qui n’est pas impossible à relever et qui pourrait s’inscrire dans une sorte de constitution québécoise des valeurs communes. D’ailleurs, nous ne serions pas la première province canadienne à se doter d’une constitution provinciale; la Colombie britannique a déjà pris une longueur d’avance.

Mais voilà que le magazine L’actualité, dans sa récente édition, titre un dossier fort intéressant: «Quelles valeurs transmettre à nos enfants? » Ce dossier s’inspire d’un vaste sondage réalisé par la firme CROP, du 19 juillet au 22 septembre 2007, auprès de 1130 Québécois de 15 ans et plus; la marge d’erreur est de plus ou moins 3%, 19 fois sur 20. Que nous apprend cette vaste enquête que nous décortique Isabelle Grégoire et Louis Gendron du populaire magazine. Selon les auteurs, les réponses des Québécois étonnent et parfois dénotent un bon décalage avec la réalité vécue par ces derniers. Isabelle Grégoire note: «Attentifs à la famille, mais individualistes. Préoccupés par l’éducation, mais pas par le succès et l’argent. Ouverts aux autres, mais pas trop. Laïques, mais favorables à l’enseignement religieux confessionnel.» Nous l’avons dit et redit, au cours des derniers mois, les Québécois n’en sont pas à un paradoxe près. C’est sans aucun doute le résultat des tiraillements, des hésitations que chacun vit dans le parcours de sa vie, influencé par la société ambiante encore déstabilisée par le ressac de la révolution tranquille. Nous incarnons, plus souvent qu’autrement, la célèbre parole de l’Apôtre Paul aux Romains: «Je ne fais pas le bien que je veux, et je commets le mal que je ne veux pas. »

Il est clair que l’on veut transmettre à nos enfants ce qu’il y a de meilleur même si nous avons peine à atteindre personnellement nos idéaux. Une valeur, c’est ce que l’on trouve important, ce qui inspire, ce qui donne sens à la vie et que l’on veut protéger à tout prix. Il y a des valeurs inscrites au cœur de l’être humain et qui ne changent pas au cours des siècles. Qui ne rêve pas d’amour, de paix, de solidarité? Les Québécois s’inscrivent dans cette lignée d’humains en pèlerinage sur un bout de terre en pleine mutation. Il faut savoir lire les signes, les accents, les nuances qui se dessinent dans l’itinéraire d’un peuple en recherche. Ils ont été nombreux, les commentateurs de la scène publique, à affirmer cette ambivalence des Québécois et cette difficulté de se brancher. Il y a sans aucun doute encore du ménage à faire dans ce que nous vivons et dans ce que nous voulons léguer aux générations qui suivent.

Les sondeurs ont demandé à la population d’identifier les trois valeurs que l’État québécois devrait privilégier dans l’avenir. Les répondants signalent en priorité l’éducation (54%), la famille (43%), la préservation du système de santé gratuit et universel (35%), la primauté du français et de la culture québécoise (31%). Quels défis pour notre gouvernement! Le budget actuel de l’éducation est parmi les plus importants du gouvernement et pourtant nous faisons face à un décrochage scolaire endémique, qui ne cesse d’handicaper l’avenir de la société québécoise. La famille québécoise n’a jamais été aussi éclatée et nous ne réussissons toujours pas à atteindre le taux de renouvellement de la population de la province; heureusement que l’immigration vient à notre rescousse! Notre système de santé gratuit et universel est aux soins intensifs depuis plus d’une décennie et les solutions envisagées sont plutôt éloignées de la gratuité et de l’universalité. Pour la primauté du français et de la culture québécoise, tous les spécialistes s’entendent pour dire que le français est plus que menacé et que pour la première fois, il a fléchi sous la barre des 50% dans la grande métropole.

Si le gouvernement est à l’écoute de ces coups de sonde, nos parlementaires devront plancher et proposer des pistes d’avenir crédibles et efficaces. L’éducation, la famille, la santé, le français et sa culture, quatre piliers qui rallient la majorité des Québécois sondés. Vous allez me dire, ce n’est qu’un sondage! C’est vrai, mais il est révélateur de grands enjeux pour notre avenir collectif, avouez-le! Dans l’échelle de leurs valeurs, il y a un écart entre ce que les Québécois priorisent individuellement et ce qu’ils souhaitent que l’État priorise. C’est un peu normal! On ne peut vivre sans valeur personnelle et sans valeur commune. C’est une question fondamentale qui a du prix à nos yeux; c’est parfois la perte des choses importantes qui nous enseigne la valeur de celles-ci. Les réponses au sondage nous ramènent inévitablement à certaines valeurs essentielles qui semblaient avoir pris le bord avec la révolution tranquille. Il faut parfois souffrir d’un manque, d’une absence, de quelque chose d’important pour que ceci prenne tout à coup de la valeur.

La population du Québec a pris un sérieux coup de vieux au cours des dernières décennies. Serait-ce la naissance d’une certaine sagesse face à la vie, à l’avenir? Chose certaine, comme le disait Douglas MacArthur: «On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années, on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau; renoncer à son idéal ride l’âme.» Je suis convaincu que les Québécois gardent au fond de leur cœur les valeurs fondamentales qui les ont inspirés. Au fait, qui pourrait vraiment sonder l’âme de ces Latins du Nord?


Commentaires :
LeblogueduDG@radiovm.com


6 commentaires:

Auditeur RVM a dit...

On dirait que les Québécois ne savent pas trop ce qu’ils veulent. Je trouve que nous sommes vraiment incohérents. Nous voulons tout mais nous ne sommes pas prêts à faire les efforts qu’il faut. Nous manquons de cohésion et nous voulons faire la leçon aux autres. Tout un peuple! (Jasmin T.)

Auditeur RVM a dit...

Il y a des valeurs qu’il faut tenir à tout prix. Je suis d’accord pour que l’on enchâsse dans une certaine constitution québécoise nos valeurs communes. Nous ne sommes pas l’Ontario, l’Alberta! Il y a des valeurs qui nous ressemblent et qui nous rassemblent! (Louis-Paul Z)

Auditeur RVM a dit...

Merci pour ce beau texte. Je reste convaincu que de nombreux Québécois sont profondément attachés à nos valeurs communes. La commission Bouchard-Taylor aura permis à plusieurs de prendre conscience de la richesse de notre tradition judéo-chrétienne. Il faut se méfier des tenants de laïcité. Je pense qu’ils manquent de membres; je ne crois pas qu’il y a des files d’attente pour s’inscrire! (Julien C.)

Auditeur RVM a dit...

Intéressant article. Merci pour vos articles toujours intéressants. Dommage que vous en faisiez moins. Je suis une fidèle du blogue. (Louise C.)

Auditeur RVM a dit...

Bravo! Il faut que les Québécois s’affirment. Les valeurs qui nous animent doivent être affirmées fortement. S’il faut les écrire dans une constitution, qu’on le fasse. Il faut faire quelque chose à tout prix! Les nouvelles générations ont besoin de point de repères, de valeurs qui nous sont propres. À nous de dire ce que nous voulons! (Clémence T.)

Auditeur RVM a dit...

J’ai lu avec intérêt votre article. Je ne suis pas d’accord avec une constitution québécoise. Qu’est-ce qu’un papier va faire de plus? Depuis que nous avons les fameuses chartres, c’est le bordel. Ce sont les juges qui décident tout! C’est mon opinion. (Marcel P.)