( 135 ) Des jeunes avides

21 novembre 2008 - Tout le monde le dit avec grand renfort de statistiques à l’appui: «Le Québec prend un coup de vieux!» Les chiffres ne mentent pas sur le poids grisonnant de la population du Québec au cours des prochaines années. La pyramide des âges changera tout simplement de bord, mes amis! Le poids démographique des jeunes sera de plus en plus faible; ces jeunes représenteront la minorité de la population. C’est un constat indéniable. Au fait, on ne parle pas beaucoup des jeunes, du moins, de ceux que l’on pourrait qualifier de soi-disant corrects ou que l’on situerait dans la normalité. Qui sont-ils réellement ces jeunes?

Les journaux et les bulletins télévisés ne nous rapportent que trop souvent les escarmouches des gangs de rue, les débordements de jeunes turbulents qui font du grabuge nocturne, les statistiques alarmantes sur le suicide des jeunes et j’en passe. Mais que sont-ils ces jeunes dont l’accoutrement audacieux nous surprend toujours? Coiffés souvent d’une casquette bien ancrée sur la tête et vêtus d’un pantalon troué dont le califourchon descend jusqu’aux genoux, ils nous amènent parfois à nous demander comment ils font pour marcher, mais surtout de quel bord ils s’en vont ces 15-29 ans. On n’a pas l’impression qu’ils le savent eux-mêmes. Entre vous et moi, il faut bien se l’avouer, mes amis, les jeunes n’ont rien inventé, nous leur avons tout appris.

L’éclatement des familles, la société de consommation, le manque de repères, le vide spirituel n’ont pas été créés par les jeunes. Et vlan les amis! Ces jeunes sont le miroir de ce que nous sommes, à quelques nuances près, de ce que nous avons voulu qu’ils soient. Mais au début de ce troisième millénaire, il faut s’attendre à ce que les jeunes générations voient autrement la vie, la société et l’avenir. Le journal La Presse du 17 novembre dernier parlait justement d’un revirement de tendance, de l’attrait certain des jeunes pour le mariage, les valeurs familiales et la spiritualité. Oui, oui, vous lisez bien! Les baby-boomers, fatigués de luttes intestines, n’ont peut-être pas fini de s’étonner de ce qui pousse derrière eux. Il semblerait que les grogneux de tout acabit et les pourfendeurs antireligieux n’ont qu’à bien se tenir. Après avoir tout balayé ou presque de nos traditions spirituelles ou même civiques lors de la Révolution tranquille, voilà que des jeunes commencent à redécouvrir certaines valeurs essentielles mises au rancart par leurs prédécesseurs à la vitesse de l’éclair. À leur façon, ces jeunes sauront les exprimer avec des traits qui nous surprendrons sans doute. N’est-ce pas le propre de la jeunesse de nous surprendre?

Jacques Hamel, professeur de sociologie à l’Université de Montréal, note que les jeunes semblent davantage choisir le mariage et qu’ils sont portés vers le sacré, «une spiritualité qu’ils souhaitent créer eux-mêmes ». Si la tendance se maintient, 2008 sera une année record en ce qui a trait au mariage. L’Institut de statistiques du Québec révèle que 2008 devrait compter un peu plus de mariages que les dix dernières années. Le chercheur indique que les jeunes peuvent choisir le mariage avec le désir profond de réunir leur famille éclatée. Entre vous et moi, il est difficile de vivre, de s’épanouir harmonieusement sans une appartenance familiale minimale et qui plus est, équilibrée. Tous les indicateurs sont clairs, il y a un regain pour le mariage au Québec, même si celui-ci est bon dernier par rapport aux autres provinces du pays.

En 1991, les 19-25 ans étaient au nombre de 1, 594,955 et représentaient 22,6% de la population. En 2006, ils n’étaient plus que 1, 505,719 et ne représentaient que 19,7% de la population. «Rien qu’à voir, on voit bien» dirait mon grand-père. Selon les chercheurs, les jeunes de 15-29 ans ne représenteront plus en 2016 que 17,8% de la population totale et en 2026 ce pourcentage diminuerait à 15,6%. Quelle pyramide inversée; il y a de quoi avoir le vertige!

François Gauthier et Jean-Philippe Perreault viennent tout juste de publier un ouvrage intitulé: «Regard sur… jeunes et religion au Québec». Dans cet ouvrage, les auteurs exposent l’étonnante quête de sens chez les jeunes de chez nous. À travers des symboliques qui leur ressemblent et qui ont façonné leur univers au cours des récentes décennies, les jeunes se retrouvent plongés dans une logique de marché. Notre monde est marqué par la logique du pragmatisme, du marketing à outrance, de l’image surfaite, des projets concrets. Il est clair que cette logique ambiante colore le sens réel qu’ils confèrent à leur parcours terrestre. Loin des discours, ils désirent emprunter un chemin, comparable à celui de Compostelle, qui mène au-delà des feux de pailles et des artifices. C’est le réalisme, la primauté du parcours qui l’emporte sur le discours.

À travers les diverses propositions de sens qui s’offrent à eux, quelles seront celles qui leur permettront de régulariser leur vie dans une quête de sens et de bonheur durable? Nous assistons, selon les auteurs, à une recomposition religieuse à travers les diverses propositions de tout acabit qui s’offrent aux jeunes d’aujourd’hui. Ils ne sont pas insensibles au sacré, loin de là. Ils ont certes pris une distance par rapport aux traditions chrétiennes passéistes et ils entrevoient leur rapport à la religion autrement que leurs grands-parents. Dans une recherche, plus profonde qu’on le croit, se dégagera sans aucun doute de nouvelles façons d’être croyant. La proposition du christianisme ne peut se faire sans une approche innovatrice, décapante et inédite. Les jeunes ne sont pas dupes, ils choisiront ce qui fait sens dans leur vie. Jean Cocteau disait: «La jeunesse sait ce qu’elle ne veut pas avant de savoir ce qu’elle veut.» Dans un monde, plus que jamais éclaté, des jeunes avides de sens cherchent le bonheur. Qui leur tendra la main pour les aider dans cette quête?


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4 commentaires:

Auditeur RVM a dit...

(Luc Senay) Vous visez juste mon cher monsieur. Je suis un étudiant universitaire et taper en plein dans la situation des jeunes. Merci d’être aussi clairvoyant. Il y a bien des gens d’Église qui devraient vous lire un peu plus. Continuez, c’est l’fun de vous lire ! 21-11-08

Auditeur RVM a dit...

(Claire Martin) Je réagis avec joie avec votre texte de ce matin. Je le trouve très correct. Je pense que les jeunes ont besoin de modèles. Je suis convaincu que nous leur léguons pas mal de nos problèmes nos résolus. C’est un peu, je dirais beaucoup de notre faute. Nous avons tout foutu en l’air et on se demande pourquoi ils sont ainsi. Je suis contente qu’ils nous bousculent. 21-11-08

Auditeur RVM a dit...

(Jacques Senay) Je prie beaucoup pour les jeunes. J’ai trois enfants et je suis de voir qu’ils vont très bien. Il faut croire en leurs talents et les aider à grandir. Nous n’avons pas eu tous la même chance. 22-11-08

Auditeur RVM a dit...

(Lyne Tremblay) Mon jeune frère s’est suicidé. À tous les jours je pense à lui. Je n’ai pas compris. Un jour sans doute nous apprendrons quelque chose. Il faut aider les jeunes qui souffrent en silence. Il y en a plus qu’on le pense. 23-11-08